Alors que la plupart des acteurs du football professionnel français sont englués dans une obéissance servile à Vincent Labrune et à la LFP, Joseph Oughourlian détonne. Non par provocation. Ni par posture. Mais parce qu’il incarne, à la tête du RC Lens, une conception du pouvoir qui refuse de se soumettre aux automatismes de l’époque
À l’heure où la Ligue de Football Professionnel (LFP) s’enfonce dans une logique de financiarisation sans garde-fous, où les accords avec des fonds d’investissement comme CVC se nouent dans l’opacité, Oughourlian choisit de ne pas valider en bloc. Il exige des réponses. Il demande des comptes. Il conteste, non pour le plaisir du conflit, mais parce qu’il considère que l’adhésion n’a de sens que si elle repose sur une compréhension éclairée. Ce qu’il met en cause, c’est une structure de décisions verrouillée, où les clubs sont tenus de ratifier ce qui a déjà été décidé ailleurs, sans débat réel.
Les choix stratégiques de Lens face à la financiarisation du sport
Ce refus de l’alignement automatique vaut plus qu’un simple désaccord. Il est le symptôme d’un malaise profond. Celui d’un football qui se dépossède de lui-même en troquant son autonomie contre des liquidités immédiates. Ce que le président lensois expose, sans détour, c’est une fracture entre deux visions : celle d’un sport comme patrimoine collectif, et celle d’un produit livré à la logique des fonds privés, du rendement rapide, du pilotage à distance.
Dans cette configuration, Lens adopte une stratégie singulière. Non par idéalisation, mais par cohérence. Club populaire enraciné dans une mémoire ouvrière, porté par un public fidèle au-delà des résultats, il refuse les stratégies d’effacement. Il ne veut pas disparaître dans le brouillard de l’uniformisation comptable.
Un positionnement ancré dans l’histoire du club lensois
Le RC Lens ne cherche ni à se singulariser artificiellement, ni à opposer tradition et modernité. Il défend simplement un mode de gouvernance aligné avec son identité : celle d’un club proche de son territoire, de ses valeurs, de son histoire. Loin des figures folkloriques ou messianiques, Joseph Oughourlian incarne une gestion rigoureuse, exigeante, qui privilégie la stabilité à long terme aux séductions du rendement immédiat.
Ce positionnement expose Lens à des risques : marginalisation, isolement dans les arènes décisionnelles, tensions avec les organes de gouvernance. Mais il ouvre aussi une alternative crédible dans le débat sur l’avenir du football professionnel français.
Ni radical ni tapageur
Ce qui se joue dans cette séquence dépasse le cas lensois. Il s’agit de savoir si les clubs professionnels français continueront à piloter leur destin ou s’ils deviendront, au fil des saisons, de simples unités d’exploitation au sein d’un marché dicté par d’autres. Il s’agit de savoir si le football peut encore être dirigé par des convictions plutôt que par des projections PowerPoint.
Dans un environnement où la langue est de bois, où la stratégie est celle de l’évitement, Joseph Oughourlian introduit une dissonance politique. Ni radicale ni tapageuse. Mais précise, ferme, nécessaire. Et peut-être décisive pour maintenir en vie l’idée d’un football français encore maître de ses choix.