Caen : Mbappé doit-il partir ?

Alex Moretti

25/06/2025

En investissant 20 M€, Mbappé espérait bâtir un modèle à part. Mais Caen est relégué, les pertes s’accumulent, et l’heure des choix approche.

En rachetant le Stade Malherbe Caen à l’été 2024 pour environ 20 millions d’euros, Kylian Mbappé n’imaginait sans doute pas voir son projet se transformer, en moins d’un an, en naufrage économique et sportif. Après une saison marquée par une relégation en National, des tensions internes, des pertes financières massives et une rupture avec la base populaire, la question se pose désormais avec acuité : Mbappé doit-il rester engagé dans ce projet, ou se retirer avant que les dégâts ne deviennent irréversibles ?

Le choix ne relève pas seulement de la gestion d’un investissement. Il engage l’image d’un joueur devenu symbole, les attentes d’un territoire et les fondations d’un modèle inédit dans le football français.

Un investissement économique au bord du gouffre

Le rachat du club normand est intervenu dans un contexte financier déjà détérioré. Avant même l’arrivée de la famille Mbappé, le SM Caen accusait un déficit structurel supérieur à 11 millions d’euros. La masse salariale, alors de 16,7 millions, représentait la septième plus élevée de Ligue 2 et avait progressé de près de 80 % en deux ans.

Selon les estimations de Romain Molina, le passage en National engendrerait environ 15 millions d’euros de pertes supplémentaires. L’investissement global avoisinerait ainsi les 35 millions d’euros en un an et demi. Un chiffre vertigineux, équivalent au salaire net annuel de Mbappé au Real Madrid.

La chute de revenus liée à la relégation — baisse des droits TV, disparition des recettes variables du stade (environ 300 000 euros pour la ville de Caen) — impose une cure d’austérité sévère. Le budget prévisionnel du club pour la saison 2025-2026 a été réduit à 8-10 millions d’euros. L’effectif doit être reconstruit, avec 17 joueurs en fin de contrat.

Déroute sportive et échecs managériaux

La saison 2024-2025 a été marquée par une instabilité chronique au sein de l’encadrement technique. Nicolas Seube, reconduit après une saison encourageante, a été limogé en décembre. Son successeur, Bruno Baltazar, a concédé sept défaites lors de ses sept premiers matchs. Michel Der Zakarian, nommé en février, n’a remporté qu’un match sur neuf.

Sur le terrain, le club s’est enfoncé semaine après semaine. Malgré les performances individuelles d’Alexandre Mendy — devenu meilleur buteur de l’histoire du club avec 70 réalisations — le collectif s’est effondré. La relégation en National met fin à 41 saisons consécutives dans les deux premiers niveaux du football français.

Les choix de recrutement ont également été critiqués. Les renforts hivernaux (Jules Gaudin, Samuel Grandsir, D’Avila Ba Loua, Alex Moussounda, Yassine Benrahou) n’ont pas convaincu. L’été précédent, Quentin Lecoeuche et Kalifa Coulibaly étaient eux aussi passés à côté.

La gestion Mbappé : distance, tension et désillusion

Au-delà du terrain, l’implication personnelle de Kylian Mbappé a suscité de nombreuses interrogations. Le joueur n’a effectué sa première visite au club qu’en février 2025, soit plus de six mois après le rachat. Entre-temps, les critiques se sont multipliées, notamment celles de Jérôme Rothen, évoquant une approche « trop distante ».

Lors de cette venue, au lendemain d’un triplé contre Manchester City, Mbappé a tenté de rassurer en promettant d’assumer ses responsabilités d’actionnaire majoritaire. Cette intervention, saluée par les salariés, n’a pas suffi à éteindre les critiques.

La gestion de sa mère, Fayza Lamari, a également été vivement remise en cause. Très impliquée, elle aurait eu un droit de regard sur l’ensemble des décisions. Dans une interview à Ici Normandie, elle reconnaissait avoir songé à quitter le club face à l’hostilité des supporters.

Enfin, un plan social a été annoncé : une vingtaine de licenciements sur les quelque 70 salariés en CDI. Présentée comme une préparation au passage devant la DNCG, cette restructuration a permis au club d’éviter toute mesure restrictive, mais a renforcé l’image d’un projet brutalement recentré sur ses équilibres financiers.

Un soutien populaire brisé

La fracture avec les supporters a été brutale. Banderoles hostiles, slogans virulents, invasion de terrain après la défaite face à Martigues : le lien entre le club et son public s’est rompu dans une atmosphère de colère et de désillusion.

« Le clan Mbappé, arrivé tardivement, a sa part de responsabilité dans cet échec », estime Christophe Vaucelle, président du Malherbe Normandy Kop. Malgré les tentatives de communication, la défiance persiste.

Rester pour reconstruire ? Les contre-arguments au départ

Malgré les revers, le clan Mbappé affirme vouloir poursuivre son engagement. Fayza Lamari a rappelé que partir dans ce contexte serait perçu comme une trahison. « Ce serait malhonnête, car on est aussi venus là pour ces valeurs-là », a-t-elle déclaré.

La validation du budget par la DNCG, l’annonce d’un nouveau projet sportif piloté par Maxime d’Ornano — entraîneur expérimenté du National — et la volonté affichée de reconstruire un effectif compétitif témoignent de cette volonté de redressement.

La campagne de réabonnement, lancée début juin, sera un test crucial. Avec 10 000 abonnés la saison précédente, cette ligne budgétaire représente 20 % des recettes.

Enfin, l’attachement personnel de Mbappé à Caen, où il avait failli signer à l’âge de 14 ans, est régulièrement mis en avant par ses proches comme un élément déterminant de sa fidélité.

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